Corps sonores, c’est une BD de Julie Maroh qui prend place à Montréal, et qui nous propose des tranches de vie liées à la vie amoureuse dans tous ses états. Notez que le langage québécois est utilisé, mais que l’auteure est française, et que les « maudits français » sont donc, j’imagine, une volonté de montrer la réalité et non de critiquer les français comme je l’ai cru tout d’abord. Mais là n’est pas le sujet du jour…

Couverture Corps sonores

Bon, qu’on se le dise tout de suite : cette lecture a été une vraie déception. Prise au hasard dans les bacs de la bibliothèque, je ne m’attendais pas à grand-chose, ne sachant dans quoi je m’embarquais. La couverture m’a plu, tout comme le titre, et je n’ai pas eu besoin de plus d’arguments pour l’emprunter.

C’est une BD qui parle de l’amour, l’amour « romantique », dans tous ses états, et dans toutes ses étapes. Le propos n’est pas pessimiste, loin de là, c’est peut-être même le contraire. Mais mon premier problème est là : pourquoi tout ce gris, pourquoi cette tristesse alors que les propos ne sont pas tristes ? Pourquoi pas un peu plus de couleurs, pourquoi pas des couleurs différentes à chaque petit chapitre, histoire de tout bien distinguer ? Les couleurs me semblent vraiment fades et j’ai l’impression qu’elles ne servent ni le propos, ni les dessins en eux-mêmes, qui mériteraient un peu plus de couleurs pour ressortir, car ils ne sont pas moches, sinon…

Et puis bon, je parle de propos, mais c’est là que je suis encore plus déçue. Avec un sujet si vaste, et avec 300 pages, il me semble qu’il y a moyen d’aller en profondeur. Pourtant, à quelques rares cases-exceptions, l’ensemble manque de profondeur. Ceux-ci décident de se mettre en couple à trois, voilà. Celui-ci ne sait pas comment se poursuivra sa relation, voilà. Celui-là décide de rester avec sa femme malgré la maladie et l’infidélité, parce qu’il l’aime, voilà. Il me semble que des thèmes pertinents comme ceux-là auraient mérité un traitement plus profond. Les tranches de vie, je dis oui, mais là, ça manque de quelque chose, on a le sentiment d’être un oiseau passé vite fait. Ça pourra plaire à certains, je ne dis pas le contraire, la preuve : la BD affiche une moyenne de 16,3/20 sur Livraddict. Plutôt pas mal, non ? Pourquoi cette moyenne, si moi je suis à ce point déçue ? Et aussi, pourquoi ce manque de profondeur ? Je tiens une hypothèse : la diversité.

Ah, la diversité ! Terme devenu à la mode. N’allez pas croire que je sois contre cela, du tout. Simplement, la diversité pour faire genre, ça va bien deux minutes. L’intention de Julie Maroh est certes louable, et elle a pensé véritablement à des minorités auxquelles on pense rarement. Ici, on a des personnes de couleur, d’origines différentes (Montréal étant très cosmopolite, c’est pour cette raison que l’auteure a choisi cette ville, et ça c’est top), des gens malades, handicapés (moteur, visuel, etc.), des personnages LGBTQI+. Julie Maroh a pensé à tout le monde, et c’est probablement génial, c’est vrai. Sauf que ça donne cette impression : voilà, je représente tout le monde, mais le thème principal (l’amour en l’occurrence), je ne l’approfondis pas.

Or, ce que je recherche, pour ma part, et c’est très personnel donc à prendre avec des pincettes bien sûr (pour les bienpensants), c’est justement que le thème soit approfondi. La diversité ne me gêne tellement pas que je veux ne pas avoir besoin de dire « oui, voilà de la diversité ». Et là, j’ai eu l’impression de me promener dans une galerie avec des mannequins de toutes les minorités possibles, ou presque… mais c’est tout. 

Je trouve ça juste très dommage. En fait, j’ai l’impression que tout ce qu’on fait, c’est attirer l’attention sur le fait que telle minorité soit justement une minorité. Et si je peux comprendre l’intérêt, être visible, je trouve que parfois, c’est un peu trop, et qu’on s’éloigne de l’effet recherché et qu’on met ces minorités encore plus à part. Je parle ici d’une façon générale, car dans la BD de Julie Maroh, ce n’est pas forcément le cas ; on le voit à certaines planches, elle tient à montrer en quoi les personnes issues de minorités sont bien comme les autres en ce qui concerne les sentiments, par exemple. Ce que je reproche à l’album, c’est vraiment uniquement son manque de profondeur, le fait qu’on ait finalement l’impression que ce qu’on nous montre, c’est une vitrine de personnages issus de minorité.

Et cela me fait penser à tous ces livres pour lesquels on nous met l’étiquette « minorité » devant les yeux. Vendre un livre parce que les personnages sont gays, ou noirs, ou handicapés, par exemple. Vendez-moi plutôt une histoire, le personnage sera comme il sera. Si sa sexualité, sa couleur, son handicap, etc., est un élément central, c’est bien, et si ça ne l’est pas, c’est bien aussi. Je pense aussi aux films pour lesquels on veut absolument montrer qu’on est ouverts d’esprit et que donc ça y est, Blanche-Neige sera incarnée par une femme noire. Mais le prénom de Blanche-Neige, c’est Blanche-Neige parce que sa peau est blanche comme la neige… Ce n’est pas être raciste que de mettre une femme blanche pour jouer Blanche-Neige enfin. Créez de nouveaux personnages pour ces acteurs qui sont toujours cantonnés aux même rôles dans ce cas ! Créez une espionne au lieu de vouloir à tout prix que James Bond soit une femme (même si 007 peut être une femme, mais enfin, vous êtes assez intelligents pour comprendre ce que je veux dire). En plus, ça créera de la nouveauté au lieu de nous ressortir les classiques remis à la sauce moderne. De temps en temps, ok, mais là, soyons un peu originaux et donnons aux minorités des rôles taillés pour eux, pour véritablement les inclure et non les montrer juste pour les montrer, ce ne sont pas des animaux, soyons logiques et cohérents, et ne nous décrédibilisons pas.

Voilà pour ce petit coup de gueule, n’hésitez pas à me donner votre avis, je sais que ça peut passer pour une unpopular opinion, la preuve se trouve dans les commentaires Livraddict qui louent justement la diversité de Corps sonores. Encore une fois, je ne crache pas sur l’auteure elle-même, qui a tout de même du mérite.